Quelques précisions sur les chiffres du chômage

On en a entendu de toutes les couleurs sur les chiffres du chômage publiés par l’INSEE et par la DARES (Direction de l’Animation et de la Recherches des Etudes Statistiques, service statistique rattaché au Ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement). Les estimations du taux de chômage qui sont publiées à chaque fin de mois par l’INSEE et la DARES se font sur les données de l’ANPE, donc sur la base de la définition administrative d’un chômeur à l’ANPE (inscrit). Elles mesurent les activités de l’Agence mais ne visent pas à cerner le concept de chômage au sens du Bureau International du Travail. Et elles sont surtout susceptibles d’être affectées par des modifications dans la gestion des demandeurs d’emploi. Ce sont ces chiffres ANPE qui ont fait réagir. Le champ n’est donc pas le même, c’est comme si on essayait de mesurer quelque chose avec des thermomètres différents. Pour le BIT, le chômeur est quelqu’un : 1) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence ; 2) qui était disponible pour travailler dans un délai de deux semaines ; 3) qui a entrepris des démarches spécifiques pour trouver un emploi au cours des quatre semaines précédant la semaine de référence. Pour coller à cette définition, la DARES se base sur l’enquête emploi, trimestrielle et échantillonnée (donc non-exhaustive) qu’elle réalise et qu’elle exploite. Lors de l’annonce de janvier, les résultats annuels de cette enquête n’étaient pas encore disponibles (seuls étaient publiables les 3 premiers trimestres). Son exploitation sur l’année 2006 n’a pas été évidente pour les statisticiens car plusieurs spécificités ont été repérées : problème de calage sur l’échantillon, fragilités récurrentes dues aux non-répondants (ie. ceux qui ne travaillaient pas lors de l’enquête étaient-ils en absent ou sont-ils considérés comme chômeurs… ? comment les redresse t-on ?). Des corrections dans l’exploitation (redressement, correction des variations saisonnières…) proviennent également de données du recensement de la population (tout juste disponibles en ce début d’année) qui permettra d’évaluer le chômage « spontané » entre janvier 2006 et janvier 2007. De plus, chaque année au mois de mars, les estimations basées sur le calage de l’enquête emploi (évoqué précédemment) sont révisées par l’INSEE pour prendre en compte les spécificités annuelles. Les particularités des difficultés rencontrées en 2006 et exposées devant le Conseil National de l’Information Statistique (site du CNIS) seront prises en compte exceptionnellement jusqu’à l’automne. Cette décision de report (qui a fait du bruit) a été prise exclusivement sur la base de considérations techniques et en toute indépendance, sans pression d’aucune sorte.

 

Ce billet reprend des éléments d’une note du cabinet du DG de l’INSEE, reçue que très récemment alors que Le Canard Enchaîné passait à l’attaque dès le 24 janvier 2007. Je défend mon métier en n’acceptant pas les réactions que j’ai pu entendre ici ou là, sur les blogs, dans des articles ou dans la bouche de certains politiques (encore ce matin…). Les statisticiens de l’INSEE travaillent sous aucune influence politique et même si l’INSEE dépend du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pour des raisons purement organisationnelles, l’Institut possède sa propre indépendance et n’est soumis à aucune validation du Minéfi. Celles-ci se font directement par la Directeur Général. Alors ministre à Bercy, Sarkozy a voulu toucher à l’INSEE ce qui lui a valu certaines déconvenues. Voilà, ça me fait juste hurler quand j’entend que les statistiques publiques publiées sont partisanes du gouvernement, surtout en ce moment. Je signale de plus que le DG de l’INSEE est plutôt de tendance à gauche, ayant travaillé directement avec Jospin sur le financement des retraites. Notre métier est de décrire ce qu’il se passe en France selon les chiffres dont on dispose. Dans la très grande majorité, ils ne sont pas parfaits mais ils essayent de coller à la réalité et c’est une branche qui mobilise beaucoup de gens qualifiés, des producteurs, des redresseurs, des chargés d’études, des analystes… pour affiner nos publications. Pour revenir sur les chiffres du chômage, l’Institut fait l’effort de publier sa méthodologie, certes contestable sur certains points, qui n’est jamais reprise par les journalistes ou autres commentateurs, mais qui est essentielle à l’exploitation et à la compréhension d’un chiffre. Sur ce point, je regrette que les communications tardives d’explication des chiffres n’aient pas été plus massivement reprises, au lieu d’une critique incessante et que l’INSEE ne se soit pas défendu plus tôt.

10 commentaires

  1. 6L20 30 Mar / 11:15

    bref, les statistiques ne reflete pas la réalité, mais une pseudo image incomplete a une date anterieur basée sur des éléments qui different dans le temps.

    le temps n’est donc plus l’abscie, mais une variable aussi!
    Votre formule Mister Ikare?

  2. ikare 30 Mar / 12:46

    @ 6L20 > Les statistiques reflètent une estimation de la réalité en essayant de prendre en compte au maximum tous les effets possibles, selon les définitions et les concepts. Il est facile de mesurer des chômeurs au sens de l’ANPE, puisque cela se base sur un fichier exhaustif. Va mesurer des chômeurs aus sens du BIT… dont je ne remets pas en cause la définition.
    Evidemment chaque période connaît ses caractéristiques propres, que l’on essaie de s’approprier pour expliquer telle ou telle influence ou variation. En ce sens, les gens qui produisent des stats doivent connaître leur champs d’études pour expliquer au mieux l’information qui en ressort

  3. 6L20 30 Mar / 13:39

    Je ne remet pas en cause les statisticiens, ni les methodes.
    mais j’ai bien souvent l’impression que ceux qui definissent le champs de l’etudes cherchent a toujours donner l’impression d’une diminution, j’ai des souvenir de presentation de l’evolution des chiffres du chomage aux infos ou depuis X temps ou nous dit qu’il baisse, mais quand on regarde le debut de la courbe il semble avoir monter pour redescendre seulement apres au moment de la sortie de ces chiffres.

    c’est le principe de dire une fois, un interimaire est un chomeur, parce qu’il est dans un statut precaire, et de dire quelques jours, mois, ou années, plus tard que non un chomeur est uniquement quelqu’un qui touche du chomage et des accesdics…

    finallement les taux varient, mais comme le referentiel change le point de vue change, alors ok c’est un reflet d’une estimation, qu’elle soit basée sur de l’exostif, ou sur du systeme du BIT plutot previsionel, c’est le coté perenne de la formule et donc de pouvoir suivre vraiment dans le temps une evolution qui a mon sens n’est pas valable.

    Donc pas de pierre a jetter sur qui que ce soit, juste l’impression par moment que l’on noye le poisson dans son propre bouillon…
    C’est aussi tout l’art de ceux qui definissent les champs du referentiel.

  4. TacTac 30 Mar / 14:39

    é en + ilé 1Tligen !! B-)

  5. quido 30 Mar / 19:22

    zzzzzzzzzzz

  6. meteor 30 Mar / 20:59

    Convaincu par tes explications.
    Mais je pense malgré tout qu’il était du rôle des journalistes – et le Canard est bien utile pour ça – de poser certaines questions, surtout en cette période. Et pour le coup, le gouvernement n’a pas été très clair dans ses explications tout comme l’opposition n’était pas plus fine de crier immédiatement au loup.
    Par contre avec la décision d’Eurostat de revoir ses propres chiffres suite aux enquêtes INSEE, on se retrouve avec des variations non négligeables. Aussi est-ce l’INSEE qui est trop prudente ou Eurostat qui ne l’est pas assez ? Donc même si la tendance à la baisse est indiscutable, dommage quand même qu’on n’ait pas des données à peu prés cohérentes avant de faire les choix à venir…(même si c’est un paramètre parmi tant d’autres)

  7. Gyom 30 Mar / 21:03

    >6L20 (est bon, je veux qu’on m’enterre…): Le propos n’est pas tellement sur la nature des chiffres, il me semble. Ils sont tels qu’ils sont, ils ont leur faille et une certaine pertinence.
    Le point intéressant, selon moi, c’est le raccourci de plus en plus emprunté par la critique (la presse, entre autre, semble devoir être de plus en plus mordante et révélatrice de scandales en tout genre : faire sensation à tout prix, au point de perdre une certaine impartialité) : si une institution est publique, elle serait forcément politisée, voire au service du pouvoir…
    Je suis sûr que mes anciens profs trotskistes émettraient quelques doutes à ce sujet…
    Et je n’ai jamais trouvé, à l’époque, que mon électricité, toute alternative qu’elle était, basculait de gauche à droite avec les changements de majorité…
    Bref, je suis assez d’accord avec toi, Ikare, sur ce sujet : fidèles à notre cynisme français, il est toujours tentant de cracher dans la soupe et de critiquer un peu partout. Mais gardons bonne foi et confiance en nos institutions, ne nous laissons pas blouser par les gros titres accrocheurs.
    De toute façon, l’INSEE, au moins de par son architecture évoquant très fortement les folles années du stalinisme, peut très bien garder son cœur à gauche, comme tu nous l’as dit ; mais si elle laisse encore ses administrateurs lire le Figaro, on peut éventuellement espérer le maintien d’un certain équilibre…

  8. 6L20 30 Mar / 22:04

    @Gyom: je ne suis point un chevalier de la table ronde…
    pour me dedouaner d’un message ou je peux donner mauvaise impression et un jugement, qui n’est pas réelement un jugement, juste un ressenti en temps de cotoyen lamda, qui n’a pas acces aux données, qui ne s’y connait que dans les stats qu’il a vu au lycée et apres… bref qui est victime de son ignorance et de ce qu’il a entendu, lu, et deduit.

    la deuxieme partie du post d’Ikare etant apparut uniquement apres mon second commentaire…

    Je crois que comme pour toute base de données et calcul réalisé a partir de celci, (GPAO, ERP, STM…) lorsque des erreurs sont dans la base, qu’elle est incomplete… forcement il y a des erreure des derives des ecarts..

  9. ikare 31 Mar / 14:28

    @6L20 > C’est là tout ce que j’essaie de faire passer et Gyom te l’a expliqué : prendre un chiffre comme ça qui tombe du ciel n’a pas d’intérêt, il faut le prendre avec des pincettes, avec ses failles mais aussi une certain réalité qu’il décrit. Je ne te jette pas la pierre, mais pas de cinéma sur “victime de son ignorance et de ce qu’il a entendu, lu, et deduit”, si tu veux comprendre le chiffre, il faut que tu puisses avoir les moyen de le faire, mais aujourd’hui tu n’as pas cette possibilité la car les gens qui les reprenne ne te la donne pas.

    (rouhlala, je suis fatigué moi, ce samedi…!)

  10. 6L20 31 Mar / 18:08

    @ Ikare, je suis en défaut, je me “victimise” sans vouloir vraiment donner ce sens. Je me rend compte que finalement je suis à ce niveau trop influencé par les medias et les autres, peut être parce que n’ayant pas de point de reference veritable et honete je ne prefere pas plonger…

    bref, nous n’y pouvons rien,et devons nous contenter de voir sans demontrer!

    merci, repose toi bien!