Mime ta danse

J’adore danser. Pas de ces danses à 2, celles qui se dansent seul : de l’electro ou de la musique de pouffe. Celles sur lesquelles je peux transpirer et m’oublier. J’aime danser et me laisser aller : esquisser des pas, fermer les yeux et oublier ce qu’il y a autour. Ou ouvrir les yeux et observer les gens autour de moi qui me plaisent : mes amis, mon mec, mes targets. Simplement être bien sur la musique qui m’emporte. Ce pourquoi, je sors pas mal. Beaucoup, en fait. C’est un peu une thérapie pour moi.

Je ne sais pas si je suis un bon danseur. À vrai dire, je m’en fou un peu, l’essentiel pour moi étant  de me lâcher, peut- être même de m’oublier. Le temps a forgé mes pas, mes mouvements et je peux assez régulièrement changer la façon dont je réagis à la musique.
En couple, je danse aussi. En face, de loin ou de près, les yeux dans les yeux, collés l’un contre l’autre, ma jambe entre les siennes, ou à coté, paradant, virevoltant, serein. À 2, je me nourris de l’autre, je me nourris de sa danse, de ses pas, de sa façon de bouger. Je connais l’autre quand je le vois danser. À 2, sur Beth Dito, Lady Gaga, Adele ou Laurent Garnier, je suis bien. C’est comme une bonne baise bien faite. Pas une bonne baise en fait, c’est comme faire l’amour en harmonie,  c’est se laisser aller, transpirer ensemble et partager quelque chose qui n’est pas palpable. C’est la transe et la communion, quand finalement 2 danses ne font plus qu’une. Qu’une qui me plait et que j’aime reproduire, mimer. Et qui reste.

Ces danses, je ne les ai connues que 2 fois. La dernière danse s’est terminée il y a un mois. Un long mois pendant lequel il n’y a guère plus de musique, pendant lequel les enceintes ne crachent plus leurs beats. Un quasi-silence comme une trappe qui s’ouvre sous mes pieds avec un vide interminable en dessous, un vide qui dure et qui m’est incompréhensible.
Incompréhensible car je ne suis pas habitué à cette sensation, que je ne sais pas la gérer et qu’elle fait mal. Je tombe rarement amoureux, je tombe rarement dans la dépendance d’une danse. Ça ne s’explique pas, c’est comme ça. Mais quand j’y tombe, j’y tombe et entièrement. Prudemment, et pas d’un coup, mais j’y suis. Malgré le temps que j’ai laissé avant d’y plonger, un temps que j’ai jugé suffisamment prudent pour se laisser emporter, j’y étais. Jusqu’au cou. Le problème est justement le jugement. Un jugement personnel, celui de se dire : j’aime cette danse, allons y doucement. En passant à travers les barrières habilement, elle peut se transformer. Elle s’est transformée. Et puis les barrières, il y en a plus trop eues avec le temps, ce pourquoi le jugement s’est dit de se laisser aller et d’être bien. Et d’un coup, elles sont revenues d’un coup, les barrières. Et hautes. Sans comprendre pourquoi elles étaient là et pourquoi elles ont coupé la musique. En essayant d’abord de la relancer, de mettre un peu plus fort, en vain. Elle s’est coupé d’un coup.
Et forcément, le jugement n’a pas compris. Et ne comprends pas, toujours. Un peu assommé par ce silence qui dure. Se résigner, c’est LA chose à faire. Essayer de tortiller ce qui s’est passé, un peu dans tous les sens, se dire qu’on a fait un mauvais pas sur la piste à certains instants ne console pas, car en fait, je crois bien qu’un pas supplémentaire ou en moins n’aurait pas servi à grand chose. Et même en me disant ça, je suis incapable d’écouter et d’entendre autre chose.

Alors aujourd’hui quand la quantité (monstre) de gin-tonic, de get-perrier, de rosé ou de bière ne fait pas l’effet escompté, je danse seul et je reproduis sans le vouloir les pas de cette dernière danse. Sans comprendre pourquoi je crois mimer ces pas qui ne sont plus là, dans ces endroits (nombreux) que l’on fréquentait de concert. Et où l’on s’est déjà retrouvé depuis, les pas défaillants, de mon côté, comme du sien. Des signaux à interpréter, à rejeter sur le moment par incompréhension et par force, mais qui restent en tête et qui sont forcément interprétables lorsque la force du son manque.

Alors? Alors! Oublier ces pas sera la première étape. Se checker sur Facebook en arrivant à la Java, au Tango, à l’Anthracyte, au Gibus, à l’Espace Pierre Cardin, au Rosa Bonheur pour que les amis communs fassent leur boulot, est la règle du moment. Mais demain? Arriver à se croiser et danser séparément? Puis arriver à se voir danser avec quelqu’un d’autre? Et aussi, arriver à se laisser emporter quand une autre personne vous propose une nouvelle danse?
Voilà les prochaines étapes qui m’attendent dans un exercice qui me plait tant : danser. Et je n’ai aucune fichue idée de comment gérer ça. Car je manque un peu de souffle là, pour suivre le rythme. Ce rythme, qui me manque.