Quelques précisions sur les chiffres du chômage 30 March 2007 / 10:54
On en a entendu de toutes les couleurs sur les chiffres du chômage publiés par l’INSEE et par la DARES (Direction de l’Animation et de la Recherches des Etudes Statistiques, service statistique rattaché au Ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement). Les estimations du taux de chômage qui sont publiées à chaque fin de mois par l’INSEE et la DARES se font sur les données de l’ANPE, donc sur la base de la définition administrative d’un chômeur à l’ANPE (inscrit). Elles mesurent les activités de l’Agence mais ne visent pas à cerner le concept de chômage au sens du Bureau International du Travail. Et elles sont surtout susceptibles d’être affectées par des modifications dans la gestion des demandeurs d’emploi. Ce sont ces chiffres ANPE qui ont fait réagir. Le champ n’est donc pas le même, c’est comme si on essayait de mesurer quelque chose avec des thermomètres différents. Pour le BIT, le chômeur est quelqu’un : 1) qui n’a pas travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence ; 2) qui était disponible pour travailler dans un délai de deux semaines ; 3) qui a entrepris des démarches spécifiques pour trouver un emploi au cours des quatre semaines précédant la semaine de référence. Pour coller à cette définition, la DARES se base sur l’enquête emploi, trimestrielle et échantillonnée (donc non-exhaustive) qu’elle réalise et qu’elle exploite. Lors de l’annonce de janvier, les résultats annuels de cette enquête n’étaient pas encore disponibles (seuls étaient publiables les 3 premiers trimestres). Son exploitation sur l’année 2006 n’a pas été évidente pour les statisticiens car plusieurs spécificités ont été repérées : problème de calage sur l’échantillon, fragilités récurrentes dues aux non-répondants (ie. ceux qui ne travaillaient pas lors de l’enquête étaient-ils en absent ou sont-ils considérés comme chômeurs… ? comment les redresse t-on ?). Des corrections dans l’exploitation (redressement, correction des variations saisonnières…) proviennent également de données du recensement de la population (tout juste disponibles en ce début d’année) qui permettra d’évaluer le chômage « spontané » entre janvier 2006 et janvier 2007. De plus, chaque année au mois de mars, les estimations basées sur le calage de l’enquête emploi (évoqué précédemment) sont révisées par l’INSEE pour prendre en compte les spécificités annuelles. Les particularités des difficultés rencontrées en 2006 et exposées devant le Conseil National de l’Information Statistique (site du CNIS) seront prises en compte exceptionnellement jusqu’à l’automne. Cette décision de report (qui a fait du bruit) a été prise exclusivement sur la base de considérations techniques et en toute indépendance, sans pression d’aucune sorte.
Ce billet reprend des éléments d’une note du cabinet du DG de l’INSEE, reçue que très récemment alors que Le Canard Enchaîné passait à l’attaque dès le 24 janvier 2007. Je défend mon métier en n’acceptant pas les réactions que j’ai pu entendre ici ou là, sur les blogs, dans des articles ou dans la bouche de certains politiques (encore ce matin…). Les statisticiens de l’INSEE travaillent sous aucune influence politique et même si l’INSEE dépend du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie pour des raisons purement organisationnelles, l’Institut possède sa propre indépendance et n’est soumis à aucune validation du Minéfi. Celles-ci se font directement par la Directeur Général. Alors ministre à Bercy, Sarkozy a voulu toucher à l’INSEE ce qui lui a valu certaines déconvenues. Voilà, ça me fait juste hurler quand j’entend que les statistiques publiques publiées sont partisanes du gouvernement, surtout en ce moment. Je signale de plus que le DG de l’INSEE est plutôt de tendance à gauche, ayant travaillé directement avec Jospin sur le financement des retraites. Notre métier est de décrire ce qu’il se passe en France selon les chiffres dont on dispose. Dans la très grande majorité, ils ne sont pas parfaits mais ils essayent de coller à la réalité et c’est une branche qui mobilise beaucoup de gens qualifiés, des producteurs, des redresseurs, des chargés d’études, des analystes… pour affiner nos publications. Pour revenir sur les chiffres du chômage, l’Institut fait l’effort de publier sa méthodologie, certes contestable sur certains points, qui n’est jamais reprise par les journalistes ou autres commentateurs, mais qui est essentielle à l’exploitation et à la compréhension d’un chiffre. Sur ce point, je regrette que les communications tardives d’explication des chiffres n’aient pas été plus massivement reprises, au lieu d’une critique incessante et que l’INSEE ne se soit pas défendu plus tôt.