L’eau

Quand il habitait chez sa mère, il avait ses habitudes dans ses moments-là : faire couler un bain brulant, mettre des bougies autour de la baignoire, de l’encens dans la salle de bain et une le disque “Balade Nocturne vol. 2″ très fort dans sa chambre pour que le son lui parvienne. Il avait cette habitude de se glisser dans la chaleur de l’eau, de ne plus bouger et de se laisser transpirer jusqu’à ce que cet état d’âme s’en aille, loin.

Il en a eu marre de cette matinée qui s’éternisait à ne rien glander devant la télé ou l’ordi. Alors, à défaut d’un bain, il s’est glissé dans son bac à douche en lansant sa playlist “Déprime” sur son Mac. Il a mis l’eau très chaude, a placé son pommeau de douche sur ses cheveux, s’est accroupi et a fermé les yeux, pendant 45 longues minutes, laissant la chaleur de l’eau parcourir son corps. Ainsi, un peu plus, il s’est enfermé dans sa bulle, cette bulle réconfortante. Cette bulle qui le protège.
Cette bulle qui n’a pas été percée depuis très longtemps. D’ailleurs il s’en plaint. Mais a t-il ne serait-ce qu’une fois laissé quelqu’un s’en approcher? Il croit que oui. Il en est même persuadé… Clairement, ce n’est pas le cas. Il se souvient de ses derniers moments, il remonte dans le passé proche et essaye d’y réfléchir. En définitive, non ces moments ne lui ont pas laissé l’occasion d’ouvrir une brèche, même toute petite. Un mur difficile à percer pour ses amis, ses copains ou ses connaissances. La faute à qui? Personne n’est réellement fautif, il le regrette. Est-ce lui? Sont-ce les autres? Il a peur de lâcher, il n’en a pas forcément eu l’occasion. Ce ne sont pas des reproches. Il se montre fort et sûr de lui, ce qui est le cas. Mais il est aussi plein de faiblesses, bien sûr : elles se trouvent juste sous la surface de la bulle, elles sont juste là, prêtes à être découvertes. Il regrette de voir que plus tout ça avance, plus l’épaisseur entre ce qu’il cherche à paraitre et ce qu’il est vraiment s’élargit. Ce n’est pas un délire schizophrénique. Ce n’est pas non plus un personnage, mais il est en train de le devenir doucement. Il en a conscience, maintenant, il veut comprendre pourquoi et revenir aux fondamentaux.
Il a réouvert ses yeux, ça lui a fait mal, habitué à l’obscurité de sa pensée. Il avait les doigts plissés par la température de l’eau qui lui parcourait le corps. Il s’est savonné et a ouvert son rideau de douche, la température frôlant sa peau refroidissant en une seconde, sortant de la bulle de sa pensée.

Il ne veut pas se lamenter, il veut seulement faire le point sur ses erreurs. Il ne veut pas se plaindre, il veut juste identifier la solidité à outrance de cette bulle, en les écrivant. Et il souhaite en tirer des choses, des choses qui lui permettront d’avancer comme il faut, d’éclaircir son champ de vision pour un futur plus clair, plus réfléchi et peut-être plus heureux.

Il finit d’écrire ses mots, la musique le réconforte.