L’exécution de Saddam 8 January 2007 / 11:30

Il était fortement prévisible que l’exécution serait accessible par un moyen ou par un autre sur un quelconque média. La question était de savoir quand et comment. Et ça n’a évidemment pas raté, un téléphone mobile n’a rien manqué de toute la pendaison.
D’après ce que j’ai compris, les télévisions ont pratiquement toutes fait le choix de ne pas diffuser en entier ce film. Les journalistes télé se sont, la plupart du temps, arrêtés au moment de l’ouverture de la trappe, les instants précédents étant un tant soit peu intéressants pour le téléspectateur : Saddam pris à parti par des personnes et ses bourreaux les faisant taire, au titre du respect du condamné. Quant aux journaux papiers, certains dans leur version électronique ont linké vers les YouTube, DailyMotion et Cie, quand la vidéo n’y était carrément pas insérée sur la page.
Car oui, la vidéo, s’est rapidement retrouvée en ligne et taggée à la disposition de tous sur Internet. Intrigué, je suis allé rechercher le film. Sur YouTube, il y en a presque une quinzaine disponible. Il est accessible en se logant et en certifiant être majeur… Barrière très facilement franchissable pour l’utilisateur lambda.
La qualité reste celle d’un téléphone portable. On ne comprend pas grand chose à ce qu’il se passe et à ce qu’ils se disent, mais on voit toute la scène, jusqu’au gros plan final sur le cadavre.
Alors oui, j’ai regardé jusqu’au bout et je suis assez mal à l’aise avec ça. D’abord parce qu’il s’agit du voyeurisme poussé à son paroxysme. Que l’on veille voir Loana se faire sauter dans une piscine, je peux comprendre. Mais que l’on voit quelqu’un se faire exécuter, j’ai plus de mal. C’est, en fait, la première exécution que je vois et les images sont juste saisissantes. J’ai eu besoin de quelques minutes avant de pouvoir reprendre une activité normale… Tout simplement car ce n’est plus de la fiction, c’est juste la réalité : une homme meurt sous nos yeux. Ca a beau avoir été un des pires dictateurs, criminels (tout ce que qu’on veut) sur la planète, c’est tout de même un homme réel qui meurt en vrai. Une réalité morbide, accessible à tous. Il n’y a aucune information dans ces images, mais j’imagine que je ne suis pas le seul à avoir eu cette curiosité malsaine. J’ai fait la démarche de chercher à voir cette mort et c’est cette démarche qui, aujourd’hui, me gêne. Je comprends bien les médias qui n’ont diffusé qu’un extrait, puisque effectivement, voir la trappe s’ouvrir n’a pas grande sens ni politique, ni historique.
Ce qui me paraît dangereux, c’est le franchissement de ces limites sur Internet, c’est la mise en ligne de tous les évènements du plus futile ou plus morbide, c’est le fait que toutes les images de la réalité puissent être mises à disposition de tous. Et c’est pour moi, une dérive très dangereuse du net, une course au voyeurisme, à laquelle j’ai participé. J’ai, je crois, les moyens de prendre du recul, d’interpréter et de me rendre compte de ce que je consomme comme images et évènements, mais est-ce le cas de la totalité des gens?
Internet donne la parole et la liberté d’expression a tout le monde… Je suis contre la censure, mais il faut désormais faire extrêmement attention lors de circonstances spécifiques pour ne plus voir ce genre d’évènements, filmés et partagés.
Le monde est de plus en plus trash et ça me rend mal à l’aise.